Mathilde, tu es la jeune étudiante engagée qui se cache derrière le compte Instagram Make My Clothes Great Again qui sensibilise à la mode éco-responsable.
Pour ceux qui ne connaissent pas encore ton compte, tu abordes de manière pertinente et drôle une multitude de sujets en relation avec l’univers de la mode éthique. Tu aides tes abonné(e)s à décrypter l’impact humain et environnemental de nos vêtements. Et tu es aux antipodes de l’instagrameuse classique : tu ne montres que très rarement ton joli minois et ne prônes pas la consommation à outrance sinon tout l’inverse !
Chez JULES & JENN, nous sommes très admiratifs de ton contenu de qualité et de ton travail (de fourmi !) de vulgarisation. Nous avons donc voulu en savoir plus sur tes inspirations, motivations et projets futurs…
Mathilde, quel a été ton cheminement, personnel et/ou professionnel, jusqu’à la création de ton compte Instagram. Et pourquoi ce nom, en anglais : “Make My Clothes Great Again” ?
J’ai commencé́ à avoir de sérieux problèmes d’eczéma toute petite, et à être hospitalisée à cause d’eux. On m’a conseillé́ d’éviter le polyester et toutes les matières qui “grattaient”, parce qu’elles aggravaient sérieusement les soucis. Plus tard, j’ai, dans le cadre de mes études supérieures, effectué mes stages dans des entreprises responsables, dont une pour qui j’ai dû mener une étude de marché sur le linge de maison responsable, et les labels. J’ai commencé́ à “tomber dans la marmite” à ce moment-là̀, vers 2017. Ça a été́ un vrai déclic. J’ai vite cherché à sensibiliser les personnes autour de moi, à commencer par mes ami(e)s, puis, progressivement, les gens sur Instagram. J’ai passé́ mon compte de privé à public, et c’était enclenché ! Quant au nom du compte, je fais un petit clin d’œil à un célèbre slogan, parce que cette structure de phrase parle à tout le monde. Mais ce nom signifie surtout qu’il est important de rendre leurs lettres de noblesse aux vêtements, comme s’ils avaient perdu quelque chose qu’ils avaient auparavant : pour moi, il s’agit de la qualité́, de l’art de prendre le temps de confectionner, dans de belles matières. Ça renvoie à l’idée d’une société́ où l’on prenait le temps de faire les choses, et des choses uniques, sur-mesure… Géniales, quoi !
Tu donnes aux jeunes de ta génération toutes les clés pour « consommer mieux » et tu es suivie par plus de 17000 abonnés très engagés, quel est le secret de ce succès : des publications et illustrations très “girly”, un ton humoristique rafraichissant ?
J’essaie effectivement de donner ma vision des choses, c’est-à-dire que j’adopte une posture non injonctive et j’essaie de ne jamais juger, être moralisatrice, mais au contraire, d’être bienveillante, de montrer que tout est possible, d’être optimiste… D’inspirer, en fait !
Je pense que cette vision des choses fait l’essence du compte. Derrière, il y a beaucoup de travail sur l’identité́ visuelle du compte et sa tonalité́. Je privilégie aussi la démarche de qualité́ à la quantité́ : un peu comme dans ma consommation ! Je souhaite rédiger des contenus toujours impactant, donc j’essaie de prendre le temps de bien les tourner, de bien les réfléchir, etc. Je pense que de cette sorte j’évite les maladresses, ce qui n’attire que des gens bienveillants, j’adore !
Compte Instagram @makemyclothesgreatagain
Il parait que tu es une ancienne « fashion victim ». Comment es-tu parvenue à changer radicalement ta manière de consommer ?
Pour ce qui est de ma consommation de mode, effectivement, je suis une ancienne fashionista (haha!), et je pense que cette phase d’écœurement a été́ nécessaire pour prendre conscience que j’étais allée trop loin, pour ma part. Je suis parvenue progressivement à changer ma consommation sans trop m’imposer, petit à petit : j’ai d’abord arrêté tout achat superflu, inutile. Ensuite, j’ai acheté neufs les articles que je ne me voyais pas acheter en seconde main (lingerie, chaussures…), si possible labellisés. Pour le reste, 100% seconde-main : là encore, ma consommation évolue au quotidien ! Je suis plus exigeante sur les matières, les coutures, l’époque des vêtements que j’achète qu’il y a deux ans par exemple. Je réfléchis tout autant pour acheter des vêtements d’occasion car je ne veux pas participer à un calque de la surconsommation… Version fripe !
L’humour et le franc parler de Mathilde sur son compte Instagram @makemyclothesgreatgain, pour apprendre en s’amusant !
Beaucoup de marques imprègnent maintenant leurs discours publicitaires de messages écologiques, parfois confus ou trompeurs. Quels sont tes recommandations à nos lecteurs pour ne pas tomber dans le panneau du « greenwashing » ?
Effectivement, c’est un très, très grand sujet ! C’est d’ailleurs l’objet d’une bonne partie de mon livre. Je pense que les consommateurs et consommatrices sont littéralement perdus face à « l’infobésité » qu’il y a aussi aujourd’hui lorsqu’on essaie de s’orienter vers du « green ». Il me semble important de savoir où donner de la tête en premier. En fait, c’est un peu comme une recette de cuisine : il faut structurer les étapes. Dans un premier temps, on peut se demander par exemple de quoi est faite la pièce que l’on tient : sur l’étiquette, ne pas hésiter à vérifier s’il s’agit de synthétique, de matières artificielles, de matières naturelles, ou encore de matières biologiques et/ou recyclées, et dans quelles proportions ? Encore mieux, si l’offre globale contient une proportion encourageante de collections durables, on peut se demander si ces matières responsables sont labellisées. Là encore, il y a toute une jungle de labels, mais les plus fiables et répandus se comptent sur les doigts d’une main. On peut ensuite vérifier quels sont les engagements de la marque sur le plan social : est-ce que, au-delà d’un engagement environnemental, l’entreprise fait son maximum pour révéler ses coûts, ses lieux et ses conditions de production ? Si tel est le cas, il est probable qu’elle soit déjà bien plus responsable qu’une marque qui ne le fait pas ! Si une marque ne fait rien de tout ça et qu’elle prétend être très engagée, c’est certainement une communication fallacieuse.
Tu viens juste d’écrire ton tout premier livre “Changeons de mode !” publié aux éditions Eyrolles. Toutes nos félicitations ! Que vas-tu y révéler et pourquoi devrions-nous tous courir l’acheter ?
Merci beaucoup ! En effet, j’ai hâte ! J’y retranscris toutes mes connaissances sur l’industrie de la mode dans une première partie. Ensuite, je donne tout un tas de conseils pratiques sur notre rapport au dressing. Dans un dernier volet, je propose ce que j’appelle “de petits guides tout terrain”, c’est-à-dire des guides qui, concrètement, aideront les gens à faire des achats (plus) raisonnés, et à ne pas se faire avoir : comment analyser des labels, comment reconnaitre le greenwashing, comment identifier un vêtement de qualité́, de belles matières, et j’en passe ! Sans compter les ressources et les bonnes adresses qui, indéniablement, m’ont aidée dans ma transition. 🙂
Crédit photo © Mathilde Lepage
Enfin, si tu devais choisir un intemporel JULES & JENN, quel serait-il ?! Et pourquoi ?
Je choisirais une paire de baskets blanches ! La paire de baskets m’accompagne en toutes circonstances : travail, soirée, vacances, quelle que soit ma tenue ! Elle est un incontournable de la garde-robe et un achat raisonné, j’adore !
Merci pour tes confidences et pour cette volonté de vouloir faire bouger le monde de la mode !
Merci à vous. 🙂